La fresque

La fresque de la crèche Les Bambins par KAVIIIK

En tant que maman de deux bambinettes allant à la crèche, il me semblait important que nos « petits bouts » soient éveillés au beau par la réalisation d’une fresque qu’ils pourraient contempler au quotidien. Ayant eu auparavant l’occasion de travailler avec l’artiste KAVIIIK, peintre reconnu, affichiste réputé et coloriste d’exception, j’ai demandé à Corinne Schnell, directrice de la crèche, si elle serait intéressée par une métamorphose des murs intérieurs. Suite à sa réponse positive, nous avons présenté le projet aux autres membres du CA, qui l’ont validé. Nous avions donc convenu depuis septembre 2014 que l’artiste KAVIIIK réaliserait une fresque à la crèche, afin d’embellir les murs qui mènent aux chambres des bambins.

D’abord envisagé pour décembre 2014, le projet s’est finalement réalisé dans l’été 2015. KAVIIIK est arrivé le mercredi 5 août au soir, il a commencé son travail dès le lendemain. Il a travaillé dur, dans une chaleur étouffante liée à des journées caniculaires, sur un échafaudage étroit (généreusement prêté par l’entreprise ROMAO), dans un espace réduit, jusqu’au jeudi 13 août inclus (soit 9 jours consécutifs), des journées de 10 à 12h de labeur sans interruption. Tous les soirs, nous sommes allés lui rendre visite pour voir évoluer son œuvre, pour lui apporter le réconfort de présences bienveillantes et pour nous assurer qu’il ne manquait de rien. Certains soirs, il était tellement épuisé qu’il ne pouvait presque plus se tenir debout. Comme à son habitude, KAVIIIK s’est montré très exigeant vis-à-vis de lui-même, afin d’accomplir une œuvre originale, employant une technique élaborée.

A son arrivée, il nous a expliqué qu’il n’avait pas d’idée préconçue concernant la fresque à réaliser, mais qu’avec les années, il avait appris à se faire confiance et qu’il trouverait l’inspiration une fois sur les lieux. Il a commencé par peindre l’éléphant situé sur le mur du palier. Pourquoi l’éléphant ? « Pour faire plaisir à Irène qui adore cet animal », a-t-il répondu.

La peinture de KAVIIIK a plusieurs niveaux de lecture. A première vue, il s’agit simplement d’une illustration enfantine et féerique, éclatante de couleurs : le gentil pachyderme fait les yeux doux à son amie la coccinelle qui lui tend une fleur en retour. Mais à y regarder de plus près, sa trompe ressemble à un escalier qui mène la petite coccinelle vers le haut. Symbole de l’amitié qui hisse l’autre vers le meilleur de lui-même, cette fresque indique aussi que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, que l’affection peut relier des êtres fort différents, que la vie est davantage fleurie lorsque des relations de confiance se tissent. De même que la naïveté apparente du dessin recèle une sagesse cachée, de même la façon dont les végétaux sont rendus renvoie secrètement à des références picturales comme le Douanier Rousseau ou Matisse, tandis que l’ambiance onirique rappelle Chagall.

Dans un deuxième temps, KAVIIIK a voulu représenter deux grands symboles cosmiques qui scandent les jours et les nuits, repères fondamentaux pour structurer le rapport au temps des bambins. Dans ce vert paradis enfantin, où fleurit l’amitié, la lune et le soleil ont rendez-vous, comme dans la chanson jubilatoire de Charles Trenet. L’astre solaire, qui a trois ( !) yeux grands ouverts, éclate de force, de lumière et de chaleur (quand on pense que KAVIIIK l’a peint par une chaleur caniculaire, on comprend qu’il ait eu besoin des services techniques de Jean-Paul qui lui a aménagé, à l’aide d’une planche trouvée à la cave, un établi de travail où le ventilateur lui apportait un peu de fraîcheur bienfaisante !). Quant à la lune, les yeux clos, elle s’emploie à manifester de la tendresse au moyen de sa bouche qui donne des baisers. Pour parvenir à réaliser ces dessins à la bonne hauteur, KAVIIIK a dû monter sur le petit banc de Germain Zeller posé sur l’échafaudage, autant dire que ce fût un travail périlleux et fastidieux. Mais la magie de l’art, c’est d’éclater de beauté en ne laissant pas soupçonner les efforts et la sueur qu’il en a coûté pour l’accomplir. Les « petites mains » dévouées de Magali et Jean-Paul ont permis, une fois l’œuvre terminée, d’effacer les dernières traces du « chantier artistique » en nettoyant les inévitables tâches de peinture tombées au sol, afin que les lieux soient impeccables à la réouvertures de la crèche.

KAVIIIK nous a expliqué que cette partie de la fresque était, certes, destinée aux enfants, mais aussi aux adultes, afin de leur donner des clefs de vie. En Alchimie, le soleil représente le masculin et la lune le féminin, deux principes universels que l’on retrouve partout, et en particulier dans la vie intérieure de chacun. En développant les vertus dites « masculines » de courage, force, audace, ainsi que les vertus dites « féminines » de douceur, tendresse, abnégation, l’homme peut accéder à des perceptions nouvelles, symbolisées par le troisième œil : il devient clairvoyant, développe son intuition et accède ainsi à la sagesse.

KAVIIIK nous a expliqué que cette partie de la fresque était, certes, destinée aux enfants, mais aussi aux adultes, afin de leur donner des clefs de vie. En Alchimie, le soleil représente le masculin et la lune le féminin, deux principes universels que l’on retrouve partout, et en particulier dans la vie intérieure de chacun. En développant les vertus dites « masculines » de courage, force, audace, ainsi que les vertus dites « féminines » de douceur, tendresse, abnégation, l’homme peut accéder à des perceptions nouvelles, symbolisées par le troisième œil : il devient clairvoyant, développe son intuition et accède ainsi à la sagesse.

KAVIIIK s’est ensuite attelé à peindre un bestiaire enjoué dans la montée d’escalier. C’est ainsi que nous avons eu la chance de voir apparaître, comme s’ils sortaient par enchantement du mur, un joli zèbre jouant à cache-cache en se tenant derrière un feuillage, un lapin rieur, tous deux déployant de grandes oreilles pour écouter les messages du soleil et de la lune.

Les jours suivants, KAVIIIK a complété sa fresque en introduisant d’autres animaux : un crocodile sympathique, un lion tout doux, un phoque joyeux. KAVIIIK a expliqué qu’il souhaitait représenter les quatre éléments dans sa fresque, d’où la présence du milieu aquatique, du feu solaire, de la nature verdoyante enracinée dans la terre et du mouvement du vent dans les feuillages. Rien n’est statique dans la peinture vivante de KAVIIIK, comme en atteste entre autres les éclaboussures au dessus des petites vagues ondulantes qui entourent le phoque. Les animaux de cette fresque ont en commun d’esquisser de grands sourires, d’être dotés de regards tendres soulignés pour la plupart d’entre eux par de longs cils charmeurs.

La végétation, qui constitue le décor dans lequel évoluent les animaux, se déploie le long des murs sous forme de feuillages abondants et de fleurs chatoyantes. La palette colorée de KAVIIIK, fondée dans cette fresque sur des nuances emplies de douceur, contribue à créer une ambiance enfantine. C’est ainsi que la montée d’escalier de la crèche qui conduit les bambins aux chambres s’est métamorphosée en un lieu enchanteur, où les animaux sauvages sont comparables à de douces peluches, les murs ont des oreilles et les fleurs déploient leurs magnifiques corolles en souriant ! C’est un peu comme si les murs s’étaient écartés ouvrant l’espace à d’autres dimensions. A l’instar d’Alice au pays des merveilles qui, ayant traversé le miroir, découvre des lieux oniriques, les bambins en ouvrant la porte qui permet d’accéder à l’étage de la crèche pénètrent un espace nouveau où prévalent le rêve, la poésie, la féerie.

Le lundi 10 août, Stéphane Leyenberger, maire de Saverne, a accepté de venir avec sa famille à titre amical à la crèche, afin de rencontrer KAVIIIK et voir son œuvre en cours de réalisation. C’était la première fois qu’il visitait la structure, qui lui a fait très bonne impression. La salle des grands s’est transformée l’espace d’un apéritif en salon de réception ! Quant à la cuisine de Christine, elle est devenue un musée miniature où KAVIIIK a présenté d’autres œuvres au maire dans la perspective d’une future exposition à Saverne. L’art détient le pouvoir de tout métamorphoser !

Lors des discussions, Stéphane a demandé à KAVIIIK si dans son bestiaire souriant figurerait aussi une licorne, emblème de Saverne. KAVIIIK a promis qu’il en réaliserait une en miniature, en guise de clin d’œil à cette belle rencontre. Sur l’un des dessins présentés figurait la citation du poète Prévert : « Même si le bonheur t’oublie un peu, ne l’oublie jamais tout à fait ». Cette maxime pourrait parfaitement illustrer le message qui se dégage de la fresque de KAVIIIK réalisée à la crèche « Les Bambins ». En effet, pour goûter au bonheur, il convient de conserver une candeur enfantine, tout en développant une sagesse souriante, afin d’être en harmonie avec la nature et le vivant. En cultivant une aptitude à rêver, à contempler la beauté du monde, l’homme peut retrouver une innocence source de sérénité, en atteste la girafe, initiée aux enseignements lumineux du soleil et affectueux de la lune.

L’art de KAVIIIK se déploie avec finesse et précision, jusque dans les moindres détails. Un petit papillon, comparable à une fée, s’amuse avec légèreté à faire de la balançoire, une branche de fougère aérienne caresse délicatement le nez coquin d’une fleur amusée, une licorne en médaillon accrochée au cou du lapin rieur lance en avant sa corne blanche finement torsadée. KAVIIIK a rempli sa promesse : l’animal fantastique emblème de Saverne a trouvé sa place dans cet univers fabuleux où animaux et végétaux sont animés, de façon comparable aux fables de La Fontaine. En effet, la fresque de KAVIIIK s’apparente à une fable picturale dont la morale est d’inviter ceux qui la contemplent à adopter un regard neuf sur le monde, un regard plus joyeux, plus doux, capable d’entendre la musique des astres, le chant de la nature, la symphonie des animaux. En entrant dans le mouvement gracieux de cette nature animée, le spectateur reçoit une onde bienfaisante et apaisante, source de quiétude.

Le monde imaginaire que KAVIIIK a fait apparaître sur les murs de la crèche est comparable à une création démiurgique, car comme le disait le peintre Kandinsky : « Werk schöpfen ist Welt schöpfen » (Créer une œuvre, c’est créer un monde). Dans ce monde merveilleux, les bêtes emplies de candeur ont des regards doux, les animaux dialoguent entre eux et avec les astres, la nature danse au grès d’un mouvement ondulant, les fleurs badinent avec des animaux sauvages pourtant apprivoisés, les rayons du soleil forment un collier de feu à une girafe cornue recevant de tendres baisers d’une lune en train de méditer ! Peut-être que les grandes oreilles de la girafe entendent aussi les airs du « Carnaval des animaux » de Camille Saint–Saëns, fantaisie zoologique musicale qui fait écho à la création animalière fantastique de la fresque de KAVIIIK ?

Claire LE VAN, secrétaire de l’association parentale de la crèche les Bambins - Saverne, le 26 août 2015.